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Mes larmes et la mer ne font plus qu’un



Pardonne-moi ma mère,

J’ai pensé bien faire. Comme disait l'autre, Bien faire fait taire. Bien dire fait rire, Mais te le dire Ne m’aurait pas fait admirer ton sourire de fée encore une fois Ni danser au rythme de ton rire Qui fait toujours vibrer en moi, ton fils, Mon désir de te servir à vie. Je t’en aurais parlé, Tu m’aurais dit: Nom de Dieu, le bon Dieu te l’interdit ! Je t’en aurais parlé, Tu m’aurais honni pour avoir eu une idée si bête. Mais mère, Je ne saurais faire la fête Quand ma tête est pleine de bêtes idées de faire la belle. Je t’en aurais parlé, Tu m’aurais regardé avec tes yeux pleins d’amour Que seule une mère sait faire à son enfant. Je t’en aurais parlé, Tu m’aurais pourtant haï Pour avoir pensé une seconde à t’abandonner, Ne serait-ce que pour quelques mois, quelques années… à jamais ? Qui sait ? Je t’en aurais parlé, Tu aurais remué ciel et terre, jusqu’à vendre tes derniers bijoux Pour que je vogue dans une mer sans vague. Les miettes de la tontine ne seraient pas en reste, De même que la modique somme Tirée chaque matin, comme le ver du nez, du boutiquier du coin. J'aurais dû t’en parler, Mais je suis maintenant sans voix Car mes larmes et la mer ne font plus qu’un. Anonyme et méconnaissable, mon corps sans vie, Échoué sur la berge inconnue d’un pays sans nom, Rejoindra les milliers de corps De jeunes, de femmes, d’enfants de migrants clandestins qui, comme moi, Ont donné leurs larmes à la mer.

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